Geek impénitent, spécialiste des jeux vidéos et d’internet, Daniel Ichbiah a plus d’une corde à son arc puisqu’il est aussi artiste. Il a publié au total une soixantaine d’ouvrages. Ses livres les plus connus – Bill Gates et la saga Microsoft et Les 4 vies de Steve Jobs – sont traduits dans le monde entier.

Dans cette rubrique consacrée à l’accompagnement éditorial de jeunes auteurs, Daniel nous parle des difficultés des écrivains – et des artistes en général – à se faire connaître. Il nous offre des conseils utiles sur la manière de communiquer à propos de son livre ou de l’art que l’on exerce.

Image Daniel Ichbiah

Quel est le destin d’un jeune auteur dans la jungle concurrentielle de l’édition?

En réalité, il n’y a jamais eu de meilleure période pour les jeunes auteurs, et même mieux, pour les jeunes artistes quels qu’ils soient. Pourquoi ? Parce que, jusqu’à une époque récente, les créatifs devaient impérativement passer par des sociétés établies s’ils voulaient se faire connaître.

Un auteur envoyait son livre à un éditeur et espérait que, parmi les centaines de manuscrits adressés chaque mois, le sien ait une chance d’être retenu par le comité de lecture. Un groupe de rock envoyait son CD à une maison de disques et, pareillement, espérait retenir l’attention d’un directeur artistique. Il y avait des centaines de milliers d’artistes ou d’œuvres sur la ligne de départ, et très peu à l’arrivée.

Livre Mark Zuckerberg de Daniel Ichbiah, accompagnement éditorial de jeunes auteursAujourd’hui, nous avons des outils sur Internet qui mettent directement en relation le producteur (l’artiste) et le consommateur (son public). Quels sont ces outils ? YouTube, Twitter, Amazon, Soundcloud… On ne compte plus les créatifs qui ont percé grâce à Internet alors que, pour certains d’entre eux, ils avaient été rejetés par un éditeur ou une maison de disque :

  • Le chanteur Avicii – qui a disparu un peu trop tôt étant donné sa jeunesse – s’est fait connaître initialement par les clips qu’il a postés sur YouTube. Il a connu une carrière internationale.
  • La chanteuse britannique Lily Allen s’est fait connaître sur Myspace avant d’être signée par une maison de disques.
  • Des humoristes comme Cyprien ou Norman ont développé un public de millions de fans sur YouTube. Au début, Norman postait des vidéos filmées dans sa chambre. Il y a un an ou deux, il a rempli le Zénith et fait une tournée nationale.
  • La dessinatrice Marion Montaigne a commencé par publier les planches de Tu mourras moins bête sur Twitter et attiré ainsi des dizaines de milliers d’abonnés. Quand la BD complète est sortie, elle a fait un carton.
  • 50 nuances de Grey, l’un des best-sellers des dernières années est un roman qui ne trouvait pas d’éditeur. Une fois publié en auto-édition sur Amazon, il a décollé.
  • Des auteurs français comme Agnès Martin-Lugand ou Jacques Vandroux se sont d’abord fait connaître via l’auto-édition où ils ont pareillement triomphé, avant d’être signés par des éditeurs.

Donc la période est optimale. Si l’on sait exploiter les outils d’aujourd’hui, il existe une possibilité de toucher directement un vaste public, sans avoir à passer par les instances établies. Cela n’a jamais existé auparavant.

Comment un jeune auteur devrait s’y prendre pour réussir à se faire connaître?

Pour un auteur, le plus simple aujourd’hui, c’est d’utiliser les outils d’auto-publication d’Amazon, de la Fnac, de Google ou d’Apple pour mettre ses œuvres en ligne.

Après il faut faire connaître ses œuvres, car comme on fait de l’auto-édition, il faut assumer tous les postes d’une édition donc, s’occuper soi-même de sa promotion.

Il faut impérativement disposer d’un site web ou au moins d’un blog et/ou d’une chaîne YouTube, autant de médias à utiliser pour présenter ses œuvres, établir un lien avec un public. C’est essentiel.

livre Comment être n°1 sur Google pour les nuls de Daniel Ichbiah, accompagnement de jeunes auteursSur les pages web, il ne faut pas hésiter à donner beaucoup d’informations. Les internautes sont friands d’informations utiles ou intéressantes. Donc, il faut leur en donner beaucoup, car cela va favoriser des visites sur le site.

Dans le cas d’un livre, je n’hésite pas à offrir de larges extraits. En bas de la page, je propose des liens d’achat du livre en question.

Un exemple : j’ai découvert au fil des années, que la chanson Imagine de John Lennon suscitait un énorme intérêt. Ayant écrit un livre sur les Beatles, j’ai extrait l’histoire d’Imagine et l’ai mise en ligne. Cette page, depuis des années, attire chaque mois des milliers de visites. Elle permet donc indirectement de faire connaître mon livre sur les Beatles à tous ces gens.

Cette page arrive en tête des recherches sur Google, ce qui aide à avoir de telles visites. Pour information, afin d’aider à la promotion, j’ai développé une forte compétence en matière de référencement naturel, compétence que j’ai placée dans le livre Comment être n°1 sur Google pour les nuls.

Je réalise aussi énormément de vidéos YouTube pour promouvoir mes livres. Une vidéo de 1 minute-1 minute 30 me semble optimale. C’est un modèle optimal pour faire découvrir ses œuvres. Là encore, pour ceux que cela pourrait intéresser, j’ai écrit un livre, Devenir YouTubeur, où je donne des conseils sur la façon de procéder.

Livre Devenir YouTubeur de Daniel Ichbiah, accompagner de jeunes écrivainsAprès cela, il faut se servir des réseaux sociaux comme Twitter, Facebook, LinkedIn ou autres pour inviter les internautes à visiter son site ou son blog, ou à visionner ses vidéos. Ce qu’il faut, c’est peu à peu se créer un réseau de fans, ce qui implique toute une stratégie pour ce qui est des réseaux sociaux :

  • Il faut que 90% environ de ses post concernent son activité. Je vois trop de gens se disperser en partageant à tout-va le moindre dessin qu’ils trouvent sur le web, la moindre vidéo, la moindre citation. C’est du gâchis et de la dispersion. Lorsque finalement, ils postent quelque chose sur leur activité, c’est noyé parmi un flot de messages pouvant parfois susciter l’écoeurement.
  • Il faut passer un peu de temps à liker, commenter et parfois partager les posts d’autres internautes. C’est important car, sur les réseaux sociaux comme ailleurs, il faut donner pour recevoir. Si l’on accorde de l’attention à d’autres, ils seront disposés à nous accorder leur attention.
  • Si les gens commentent votre activité (page de votre site, vidéo YouTube, etc.), il faut leur répondre, poliment et de manière à engager la conversation. L’erreur que font beaucoup d’internautes quand on leur dit : « Bravo cette vidéo est super ! », c’est de répondre « Merci ». Quand ils disent « merci », ils mettent fin à l’échange. L’idéal c’est de faire en sorte qu’il se poursuive. Par exemple, ils peuvent dire : « Qu’est-ce que tu as aimé particulièrement ? ». Quoi que ce soit qui puisse prolonger l’échange. Facebook ou Twitter observent alors qu’il y a de l’activité sur ce post et du coup, ils l’affichent pendant longtemps.

Un autre outil que j’utilise et qui est très efficace, ce sont les communiqués de presse, notamment le service Communiqué de presse gratuit qui a des versions payantes assez accessibles. Grâce à ce service, j’ai obtenu des passages télés, des radios, des grands médias sur toutes sortes de livres, y compris des livres auto-publiés ! Donc, cela vaut la peine de s’y attarder.

L’écrivain d’aujourd’hui doit donc se familiariser avec le marketing web et les réseaux sociaux. Est-ce suffisant pour réussir ?

Un certain nombre des compétences requises sont valables de tout temps. Un écrivain doit maîtriser parfaitement la langue française. C’est un ticket d’entrée non négociable. Certains auteurs m’envoient leur manuscrit à lire, pour avoir des conseils ou des avis. Quand je vois des fautes de grammaire ou d’orthographe trop fréquentes, je rejette ce manuscrit d’emblée en leur demandant en premier lieu de corriger cela. Si on ne maîtrise pas la langue, on ne peut pas se prétendre écrivain. Et à ma connaissance, les éditeurs refuseront de lire un manuscrit qui néglige la syntaxe, l’orthographe.

Après cela, il faut lire énormément. Il y a des milliers d’auteurs qui nous ont précédés et qui peuvent servir de modèle, que ce soit par leur style, leur façon de poser l’intrigue, de dépeindre les personnages… Lire, si possible, des auteurs très différents, c’est le mieux pour enrichir en permanence sa propre écriture. A mon sens, un artiste, quel que soit son domaine, qui ne cherche pas à découvrir ce que font les autres, ne peut que s’appauvrir à plus ou moins long terme.

Livre Téléphone, au coeur de la vie de Daniel Ichbiah, accompagnement de jeunes romanciersUn écrivain doit aussi être curieux de tout, étudier énormément de choses, faire des expériences, parler avec énormément de gens. Personnellement, j’apprécie les livres où, en plus de l’intrigue elle-même, on découvre des informations rares sur un sujet donné. Un exemple : dans son livre Stupeur et tremblements et aussi dans d’autres, Amélie Nothomb nous a fait découvrir maints aspects de la civilisation japonaise que nous ignorions et cela a ajouté au plaisir de lecture.

Je recommande aussi de s’inscrire sur des forums d’auteurs. C’est un bon endroit pour échanger des tuyaux, partager des expériences. Sur mes pages, mais aussi dans mes livres, j’invite les lecteurs à m’écrire, ce qui est devenu ultra facile grâce aux emails. Qu’un lecteur ait aimé ou non votre livre, il y a toujours un enseignement à en tirer. Et le plus souvent, on récolte des informations ou un point de vue précieux.

Après cela, il me semble également essentiel de maîtriser les outils d’aujourd’hui : le web, la publication sur Amazon et ailleurs, YouTube, les logiciels comme Word, Photoshop, Final Cut (ou un autre logiciel de montage vidéo comme iMovie).

Ce sont des outils qui pourraient paraître impressionnants mais il n’a jamais été aussi facile de les maîtriser : on trouve toutes sortes de tutoriaux sur le web et sur YouTube.

Pouvez-vous nous rappeler lesquels de vos livres ont eu le plus de succès ?

Mon livre qui a eu le plus de succès, est Bill Gates et la saga de Microsoft. Il est sorti au bon moment (1995), à une époque où énormément de gens s’intéressaient à ce jeune patron qui s’était hissé à la position de première fortune américaine. En réalité, j’ai eu de la chance, car au début, j’avais essentiellement voulu relater son parcours et raconter aussi les débuts assez foldingues de la micro-informatique.

Le livre est initialement paru en 1990 et à cette époque, il n’a pas beaucoup marché. Et puis, entre temps, Gates est devenu l’homme le plus riche des États-Unis. Donc, quand le livre – mis à jour – est ressorti en 1995, il s’est classé tout de suite dans le Top 10 des ventes. Il a été publié dans une quinzaine de pays et s’est vendu à environ 200 000 exemplaires.

J’ai un autre best-seller, permanent celui-ci, une méthode de solfège (Solfège – Méthode simple et amusante en 14 leçons). A toute époque, il figure dans les meilleures ventes d’Amazon. Il est sorti en 2003 et son succès ne faillit jamais. Je n’ai pas calculé les chiffres récemment, mais il a dû dépasser depuis longtemps les 100 000 exemplaires.

J’ai connu aussi de beaux succès avec Les 4 vies de Steve Jobs qui été n°1 des ventes en août 2011, avec La Saga des jeux vidéo qui a dépassé les 14 000 exemplaires vendus, alors que c’est un domaine spécialisé. Et j’ai fait presque autant de ventes avec une histoire des jeux vidéo publiée sous forme de beau livre illustré. Côté biographies musicales, j’ai été n°1 des ventes en juin 2014 avec Les Chansons des Rolling Stones. Les biographies du groupe Téléphone et de Madonna ont très bien fonctionné aussi.

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes écrivains qui sont sur le point d’être publiés ?

Plusieurs choses, très complémentaires en fait. En premier lieu, un grand nombre de jeunes écrivains sont obnubilés par leur œuvre. Et donc, certains peuvent manquer d’auto-exigence.

Plusieurs fois, un auteur m’a confié son manuscrit pour avoir un avis. Lorsque je lui ai dit : « tu devais corriger tel ou tel point », il est arrivé qu’ils se fâchent. En fait, ils veulent juste qu’on leur dise que c’est bien. Avec un argument du style : « tous mes amis adorent ».

Et bien, désolé, il faut aller au-delà des amis. Moi-même, alors que j’écris depuis plus de 30 ans, je réécris souvent 3 ou 4 fois un livre.

Livre The Beatles de A à Z... de Daniel Ichbiah, accompagnement de jeunes romanciersL’auto-exigence, c’est primordial. Les grands artistes se l’appliquent à eux-mêmes. Récemment, j’ai terminé le dernier livre de Bernard Werber et à la fin, il remercie les nombreux relecteurs qui lui ont donné son avis pour ce livre dont il dit qu’il l’a réécrit onze fois !

Vers 2012, alors que j’étais rédacteur en chef d’un magazine, nous avons reçu une réédition d’un album des Rolling Stones, Some Girls, sorti vers 1978. Et avec le CD, il y en avait un deuxième : un disque entier de chansons que le groupe avait enregistré mais pas sorti à l’époque. Et franchement, ce deuxième disque est presque aussi bon que l’autre !

L’auto-exigence, c’est cela. A l’époque, les Stones enregistraient vingt chansons – ils les enregistraient complètement, des chansons dignes de figurer dans un album – et au final ils n’en sortaient que dix. Ils jetaient les autres. Cela m’a sidéré.

Là-dessus, un autre point, c’est qu’il ne faut jamais se décourager. Parfois, des auteurs m’ont dit : « J’ai laissé tomber. Les éditeurs ne veulent pas de mon livre. » Je demande alors : « Tu l’as envoyé à combien d’éditeurs ? » « Et bien… cinq ou six ». Erreur. Pour un livre de science-fiction que j’ai co-écrit, XYZ, nous avons envoyé plus d’une vingtaine de copies. Et un jour, un éditeur a appelé pour dire qu’il le prenait. C’était le 22e ou 23e éditeur. Si j’avais arrêté au 5e ou au 6e, le livre ne serait jamais sorti !

Dernier point : il y a un certain nombre d’artistes qui ont raté leur carrière et qui se transforment alors en « donneurs de conseils ». Du style: « J’ai de la bouteille, je connais le métier ». La plupart du temps, ils seront très négatifs envers le jeune auteur, critiques envers son œuvre ou envers les éditeurs, le marché, que sais-je. A chaque fois que je tombe sur un olibrius de ce type, je vérifie s’il a réussi, et c’est toujours quelqu’un qui n’a pas réussi. Je demande aussi à voir ce qu’il a produit et c’est souvent amusant.

Ainsi, récemment, deux filles ont été critiques envers mes vidéos YouTube. Dans les deux cas, ce sont des artistes qui n’ont pas réussi. Et j’ai donc voulu voir quelles étaient leurs propres vidéos… La première m’a dit : « Eh bien non, je n’en ai pas encore ». Quant à la seconde, quand j’ai vu la « qualité » de ses propres clips, je me suis permis de lui faire remarquer que si j’avais des vidéos comme cela, je m’abstiendrais de donner des conseils.

En réalité, il ne faut prendre conseil qu’auprès de ceux qui ont réussi, car là, leur avis est important. Et vous découvrirez que, dans 99% des cas, ceux qui ont réussi ont à cœur de vous encourager et de donner des conseils utiles.

Propos recueillis par Pierre Vican.